La vie de Saint-Privat
Le Gévaudan, qui prit le nom de Lozère à la Révolution, eut pour premier évangélisateur saint Privat. Saint vénéré par nos ancêtres au long des siècles. Son histoire nous a été transmise, grossie de données légendaires, mais la critique moderne s'est efforcée de dégager la trame historique de ces apports hagiographiques, tels qu'en comportent beaucoup de vies de saints.
Saint Privat selon Grégoire de Tours.
Privat de Mende est un saint de l'Église catholique, né vraisemblablement près de Clairmont en Arverne, et serait mort vers 255 ou 264. Il est connu pour son martyre sur les versants du Mont Mimat à Mende en Gévaudan. Son ermitage est un lieu de pèlerinage, qui fut très populaire au Moyen-âge.
Grégoire de Tours écrivait son "Histoire religieuse des Francs" autour des années 580. Dans son premier livre, il consacre à saint Privat les paragraphes 32 et 34. Il place sa mort sous le règne de l'empereur Valérien et de son fils Gallien au gouvernement de l'Empire de Rome, entre 255 et 260.
Un roi Alamans, nommé Chrocus, envahit la Gaule, depuis la Germanie, à la tête de sa tribu de redoutables guerriers. Ils traversèrent tout le pays, entrainant derrière eux pillage et ruines.
Anderitum, capitale gallo-romaine des Gabales n'est alors plus sûre. Ils décident alors de se réfugier sur le pic de Grèzes, plus au sud où se trouve une forteresse secondaire. Ermite, Privat avait aménagé, avec soin, une grotte à la crête de la montagne qui domine Mende. Il s’adonnait à la prière et au jeûne. Il ne descendait que pour présider fêtes et événements.
Les armées germaines assiègent Grèzes, pendant deux ans, et tentent de réduire la forteresse par la famine.
Un jour, ils apprennent que Privat leur chef n’est pas dans la forteresse et décident de partir pour le Mont Mimat afin de capturer l’ermite dans sa grotte afin qu’il livre son peuple. Chrocus et ses disciples veulent contraindre Privat à sacrifier aux démons.
Ils s'emparent du saint et le descendent jusqu'à la butte de Saint-Ilpide.
Un interprète explique à l'évêque ce qu'on lui veut. Il refuse de donner à ses fidèles l’idée de se rendre ; on le pousse, en le maltraitant, jusqu'au village de Mende. Ces brutalités ne changent rien à sa résolution : « Ce que vous exigez m'est défendu», déclare Privat.
Les bourreaux, fous de rage, recourent aux supplices les plus barbares pour forcer le saint à sacrifier aux idoles. Il refuse cet acte d'apostasie avec la plus grande fermeté. Menacé d'une mort effroyable, s'il ne sacrifie pas, il répond qu'il vaut mieux pour lui subir les tortures de l'heure présente que de mériter les supplices éternels.
« Les Barbares demandent la paix aux assiégés de Grèzes. Libres, les Gabales accourent près de leur évêque, s'agenouillent, baisent ses plaies, rendent gloire à Dieu. Exténué par les tortures, le saint rend bientôt son âme. »
Pour éviter que la rage des persécuteurs ne s 'acharne sur les reliques du martyr, les Gabales creusent une crypte, pour les y ensevelir. Et là, presque chaque jour, des miracles se seraient produisent.
La légende au dessus de l’histoire.
Les "Actes" , écrits avant le x• siècle, reflètent les croyances que prêtres et fidèles se transmettaient sur saint Privat, dans l'Église de Mende.
Ils supposent que Privat a eu des prédécesseurs et qu'ils résidaient à Mende. Or le village de Mende ne s'est vraiment développé qu'après le rv• siècle, précisément autour des reliques du saint, et Privat est son premier évangélisateur, qu'aucun autre n'a précédé.
Les "Actes" sont autant de témoignage intéressant pour montrer comment la légende a brodé sur l'histoire du saint, mais n'apportent au récit de Grégoire de Tours nul complément qui soit assuré. C'est une pieuse vie de saint, comme nous en avons tant par ailleurs : ce que l'on nomme une hagiographie.
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Grégoire de Tours, historien plus sérieux et sûr dans ses grandes lignes, même s'il agence parfois les faits à sa façon et les embellit pieusement. Deux vérités essentielles émergent de son récit : saint Privat est mort sous la persécution de Valérien et Gallien; il a été victime des sévices d'une bandes d'Alamans, dont le roi nommait Chrocus.
La persécution de Valérien commence en 257. Et s'arrête en 260. Elle a fait d'illustres victimes, comme saint Cyprien à Carthage ou saint Corneille à Rome.
Privat a été victime de cette persécution impériale : les barbares avaient d'autres préoccupations que de persécuter les chrétiens : leur idée principale était le pillage et la conquête.
Au Concile d'Arles, en 314, l'Église gabale est représentée par un diacre nommé Genialis. L'église avait donc quelques décennies d'existence, ce qui confirme la date 258 - 260 pour le martyre de saint Privat.
Ainsi, le pays des Gabales, fut un des premiers en Gaule à être évangélisé, aussi tôt que Narbonne ou Toulouse. Et si la vie de saint Privat a été quelque peu romancée par la tradition, son existence est bien attestée historiquement.
Cet ermitage, au flanc du Mont-Mimat, qui domine au sud de sa pente abrupte la ville de Mende, a connu au cours des siècles bien des transformations.
Vers 1170, au temps de l'évêque Aldebert III du Tournel, un ermite fut installé près de la grotte, dans une petite maison. Un jour, alors que la solitude lui pèse, il décide de s'enfuir.
L'évêque, indigné, ordonne de raser la maisonnette ; puis reconstruit et y établit un prêtre à demeure.
"Il remplaça également l'autel ancien de la grotte et fit d'assez extraordinaires découvertes derrière l'autel qui fut enlevé. Dans une anfractuosité du rocher, on trouva une lunule en fer, comme celle des freins des chevaux, et une chaînette portant par intervalles de petites croix.
Ne serait-ce pas, se demande Aldebert, dans son récit, le mors du cheval de Constantin ? L'empereur avait fait, une gourmette à sa monture avec les clous de la Passion. Sainte Hélène, sa mère, serait venue en Gévaudan prier saint Privat. Et l'Église de Mende, poursuit Aldebert, dans ses Opuscules (2, 15), possède dans son trésor la bourse de sainte Hélène. Et cette bourse était toujours là en 1380, quand on fit l'inventaire du Trésor ; elle était enfermée dans une châsse de cyprès."
Entre 1312 et 1317, une communauté de quatre prêtres fut installée à l'ermitage, par l'évêque Guillaume VI Durand, dans un vaste corps de logis construit à ce moment. Ce fut le collège de Saint-Privat-la-Roche, qui dura jusqu'à la Révolution. Ils devaient réciter tous les jours l'Office divin, aux mêmes heures que les chanoines à la cathédrale.
Mais le 23 juillet 1562, les Huguenots, qui bombardaient Mende depuis la butte de Saint-Ilpide, montèrent saccager la grotte et incendièrent l'ermitage. Dès lors, les Collégiés ne résidèrent plus là-haut ; ils n'y montaient que pour le service des pèlerinages, notamment le 12 mai et le quatrième dimanche après Pâques.
En 1721, Frère Dosithée, un ermite de l'ordre de Saint-Antoine, s'installa à la grotte. Il mourut en 1725. À la Révolution, l'ermite était le frère Louis Petit, qui fut déporté à la Guyane, mais reprit ses fonctions, le calme revenu. Le dernier des ermites, Frère Joseph Laget, de Mende (1855 - 1919), transforma et aménagea les lieux avec l'aide de M. de Lafont ; il construisit, en 1873, la maison qui devint la résidence du chapelain.
Il perça la grotte du calvaire ; il rénova le Chemin de Croix, en substituant aux petites masures anciennes, des stations imitées de celles de Rocamadour, qu'on inaugura en 1881. Elles étaient en terre cuite et beaucoup s'étaient brisées : on les a depuis remplacées par les plaques en fonte de l'ancien Chemin de Croix d'Aumont.
L'état actuel de l'ermitage
La plateforme de l'ermitage est un rectangle limité à l'est par la façade de la chapelle. Elle s'ouvre sur une place de 30 mètres sur 12. Au midi, s'élève le rocher à pic où sont creusées les grottes et dont le fronton atteint 49 mètres de haut.
À l'ouest, se dressent la demeure des chapelains, avec une terrasse et un bassin, qui sert maintenant de socle à une croix de 1667. Sur le socle, est inscrit en latin : "Par ce signe admirable de la croix victorieuse, obtiens-nous le triomphe dans la cour céleste". Au nord, un grand mur pareil à un rempart, en partie refait dans les années 1990, soutient le long côté du rectangle.
Les trois grottes
Des trois grottes, la première, près de la chapelle, n'a été creusée qu'au siècle dernier, dans le rocher. Largement ouverte sur un escalier de 7 à 8 marches, elle est protégée par une grille en fer, dans un arceau surbaissé. On célèbre la messe à son autel les jours de grande affluence. "On accède aux deux autres grottes par un escalier de 53 marches, d'une seule volée, accroché au flanc de l'énorme roche.
À droite de l'entrée, s'ouvre une première petite grotte en fer-à-cheval (environ 14 m2). Dans le tombeau grillé de l'autel, saint Privat est couché en habits pontificaux, sa crosse à ses côtés (la voûte de la grotte a été refaite.). On gravit encore 18 marches en spirale et on arrive enfin à la dernière grotte, celle qui fut l'abri de saint Privat, selon la tradition" (Félix Remize, Saint Privat, p. 556).
Agrandie sans doute dans la suite des âges, elle a 6,20 m de large, 7,20 m de profondeur et 3,20 m de hauteur. Un autel modeste (jadis il y en avait deux), une collection de vieilles béquilles, de petits sabots, de jambes, de cannes, des ex-voto de marbre sont tout son mobilier (avec quelques agenouilloirs).
Le chemin de Saint-Privat
L'ascension de l'Ermitage se faisait jadis uniquement à pieds. À hauteur du foirail de Mende, un chemin assez raide et rocailleux part à l'assaut du Mont Mimat.
On passe la butte de Saint-Ilpide et l'on rencontre, au deuxième lacet, le crucifix de pierre qui ouvre le Chemin de croix. La montée, raide d'abord sous les bois de pin, s'adoucit à la douzième station et devient ombreuse et fraîche, sous les mélèzes, les frênes, les platanes, les cytises. La promenade, pittoresque, demande 20 à 25 minutes. On peut maintenant atteindre l'ermitage en voiture, par la route.
En 1960, le P. Basile Durand ouvrait à l'ermitage un centre d'accueil culturel, après avoir construit, accroché à la montagne, un vrai petit hôtel, avec une cinquantaine de lits et l'essentiel du confort : l'eau courante, maintenant, y arrive depuis Mende et l'on a rénové les 32 chambres. Adolescents, jeunes, adultes, foyers, fiancés y sont reçus pour des activités religieuses ou culturelles.
On pouvait y tenir sessions ou colloques ou même y venir en touristes. Depuis le départ à la retraite, en 1991, du P. Durand et des deux religieuses au service de l'ermitage, un dynamique ménage continuais l'accueil. Ces lieux sont fort reposants et propres à la réflexion, à 950 mètres d'altitude, au milieu des pins.
De nos jours, la maison est menacée de destruction afin d’y construire un gîte. Les graffitis, et saccages ont eu raison de cette magnifique demeure surveillant la ville de Mende depuis plus d’une cinquantaine d’années.
Saint Privat est fêté le 21 août, censé l'anniversaire de sa mort. Il était encore fêté le troisième dimanche après Pâques, pour sa "Révélation" ou découverte de ses reliques ; et le dernier dimanche d'octobre, pour sa "Translation" ou transfert de ses ossements de la crypte au grand autel de la (future) cathédrale, en 1256.
L'ermitage de saint Privat reste un lieu privilégié de prière et de méditation.